jeudi, novembre 24, 2005

Trois jours de questionnement

Je rentre de trois jours de rencontres entre les religieux et liés aux religieux français qui travaillent dans le pays. C’était à la fois magistralement intéressant, remarquablement perturbant et … délicieux de manger français pendant trois jours, salades fraîches et viande grillées, jus de mure frais le matin avec baguette : c’est là que je réalise le malheur de mon pain, encore un peu dur et pas si moeleux à l'intérieur. Et puis, tous les pains se font avec de la margarine ici, mais je me dois de faire du pain écuatorien et non français...

Passionnant disais-je car il y avait de nombreux témoignages de personnes qui ont 20, 40 ans d’Equateur et ont des dizaines d’histoires à raconter, d’analyses du pays.
Perturbant parce que le bilan n’est globalement pas très positif (pays qui s’enfonce dns la pauvreté) et que la seule analyse sur laquelle la majorité des gens sont tombés d’accord serait jugées complètement dépassée et correspondait à ce qu’on disait en France dans les années 50, ce que j’étudiais dans mon TPE : mais on m'a bien appris que l’époque de l’héroïsme et du communisme est révolue! J’avais envie de réagir à chaque phrase et en même temps, je respectais que trop ces gens qui comme Sartre et Malraux ont risqué leur vie pour défendre une juste cause. On est bien loin des schémas de pensée scolaires, sages et raisonnés... Pour s'user ici pendant toute une vie, il faut des idées tranchées et ne pas faire dans les demi mesures... c'est quand même un peu perturbant, non? Les analyses tièdes ne seraient-elles que justificatifs de l'inaction? (au risque de choquer...!)
J’arrête là, je ne sais pas si je suis très claire… La boulangerie m’attend, avec le four sans termomètre et la bouteille de gaz dont on ne sait jamais si elle va bientôt fléchir ou non.. il faut bien faire avec les moyens du bord… c’est ça l’aventure ! C'est ça l'humanitaire....

lundi, novembre 21, 2005

Mes futures boulangères

Après deux fois trois jours de formation, 32 élèves en tout, j'ai commencé hier avec 2 de mes élèves sélectionnées, ce qui m'a permis de passer plus de temps à expliquer comment on fait le pain et comment on tient la comparabilité de manière quotidienne (si, si !) plutôt que de la discipline comme j’avais fait pas mal les trois derniers jours. Il y avait Carmen, Femme de 32 ans aux traits burinés, parlant surtout Quichua mais pleine de bonne volonté, d'application, et responsable (les Indigènes ont du mal, fruit de leutr Histoire, à se sentir prets à endosser des responsabilités... surtout en présence d'un "blanc"...). La deuxième élève était une adolecsente de 16 ans, Marivel mais qui se fait appeler Jenny car elle n'aime pas son nom (histoire de me simplifier les choses!), elle est efficace, pleine de bonne humeur et me sert d'interprète avec Carmen quand l'espagnol (le sien ou le mien d0ailleurs...) ne passe pas!

Pas de photos pour l’instant de mon travail, je n’ose pas encore installer ce rapport là, même si c’est généralement pas mal vu, surtout avec le numérique, ils peuvent voir le résultat.

Nous avons fait nos premiers pains complets réussis, des croissants sucrés et salés, et surtout, notre spécialité, les petits pains au sucre de canne. On peut en vendre jusqu’à 50 en une heure (mais on ne vend qu’une heure pas jours, c’est généralement suffisant, ici tout le monde passe acheter son pain en retrant des champs, à la tombée de la nuit, entre 18 et 19h). 150 pains vendus hier, 12, 37 dollars de chiffre d'affaire, une bonne journée!

Bien fatiguée pas ce travail physique et le retour à pieds en plein soleil (ce n'est pas moi qui ai vendu hier soir, j'ai juste fait le pain le matin, il faut tout de même six heures... et deux heures trente demarche pour l'aller-retour), j'ai fini l'après midi (pensée positive pour mon lectorat européen qui entre inexorablement dans l'hiver...) avec Benjamin Constant, dans mon duvet, sur la terrasse au soleil!

mercredi, novembre 16, 2005

Le pain chaud...

Chers amis du projet de boulangerie,

C’est avec grand plaisir que je vous annonce officiellement la sortie du four des premiers pains !
Samedi, une fois le four en place, après une tentative épique de faire de la pâte avec un pétrin qui a fait sauter la lumière de toute la communauté et un four qui ne chauffait pas car on avait prévu pour la bouteille de gaz qu’une valve de gazinière au débit trop faible, il y eut finalement quelques pains distribués aux travailleurs de la minga. A l’époque, nous n’avions même pas l’eau dans la boulangerie. Ce temps est bel et bien révolu et j’ai pu commencé la formation hier, lundi. 10 inscrits, 15 présents et cinq gamins jouant dans la pièce….

Bien sûr, il manquait quelques plaques de four, il n’y avait pas de couteau pour couteau la pâte, un seul moule à gâteau, pas de pinceau à jaune d’œuf ni assez de levure (un gamin a finalement filé à Calpi en vélo, ouf !) Mais quelle ambiance : 15 personnes à qui j’ai confié 500 g de farine chacune, mis à disposition les autres ingrédients, leur demandant de faire pour le mieux… Que de fierté lorsque je leur disais que leur pâte était bonne à mettre dans le pétrin !

Ma crainte était de voir des produits invendables sortir : ce ne fut pas le cas, même si nous sommes encore bien loin de la perfection… pains au sucre, au lait et au chocolat, pour un premier jour, c’est quand même pas mal…
Bilan : 10 kilos de pâte, le tout vendu... soit environ 150 pains, dans l’heure qui suivait la sortie du four. Pourtant, toutes les pâtisseries n’étaient pas de la même taille, certaines étaient un peu trop cuites, d’autres avaient des formes étranges. Mais le résultat était là, tangible, et tout le monde a joué le jeu !

Autre interrogation : comment occuper les trois quarts d’heure nécessaires à ce que Lève la pâte ? Il a bien fallu que je me lance, en espagnol, leur demandant ce qui pour eux était important dans ce projet, rappelant quelques règles d’hygiène. Aujourd’hui, le programme fut aux dosages et à la qualité des ingrédients (graisse végétale plutôt que de cochon par exemple !). Je pensais que la fréquentation baisserait : il ne manquait qu’une seule personne, qui m’avait prévenue (il faut avoir vécu un peu ici pour réaliser oh combien c’est exceptionnel dans ce pays ou la ponctualité est peu dans les mœurs !). Et encore cinq inscriptions pour le deuxième groupe, celui de la fin de semaine, ce qui porte les effectifs à 17 !

Chers amis du projet de Chancahuan, il ne reste plus qu’à espérer que le pouvoir d’achat des communauté soit suffisant à terme pour acheter un peu plus de pain qu’avant. Mais en soi, cette formation est déjà une réussite : que de sourires, de fierté, et d’application de la part de mes premiers élèves !

dimanche, novembre 13, 2005

Ah, la France (la manquait la fin, désolée)

Mon lointain pays ( La France, pas l’Australie..) fait la une des journaux locaux... Arrêtez! On en est encore à me demander quelle langue on parle en France et combien il y a de saisons (ici il n’y en a que deux: saison des pluies/ saison sèche)!Sachant cela, je me dis que longtemps encore Paris restera dans les esprits de ceux qui lisent un tant soit peu la presse ici le pays de la violence...Il fait bon être au calme, dans ces zones pauvres mais où aider est encore possible, bien plus que dans les zones de non-droit et même les banlieues. Mais, sans rechercher la gloire, ce n’est pas une période où il est très reluisant d’être Français...

Le plus triste est sans doute que l’opinion majoritaire, le sentiment général est qu’il n’y a pas d’issue pour ces banlieues. Il paraît plus facile de venir ici, dans les régions montagneuses reculées de l’Equateur, où la volonté de s’en sortir et le sens du travail ainsi que le respect de l’autre sont présents que dans ces endroits de France minées par l’insécurité.

Quelle est l’issue si plus personne n’y croit ? Quelle solution pour ces jeunes que si peu de monde envisage d’aider car ils sont craints… ?

La fête des lamas en quelques images....




Magnifique spectacle que cette fète qui a permis aux indigènes pendant trois jours de défiler en ville avec leurs animaux, de partager leurs expériences et finalement d'assister à des conférences dans le lieu sacré qu'est l'Université du Chimborazo....
Au programme, élection de la reine des lamas, qui doit être aussi belle que fidèle à sa culture et intelligente, élection des plus beaux lamas, du meilleur groupe de danse et de la meilleure tisseuse!

mercredi, novembre 09, 2005

Lamas


Temps calme lecture avec le poncho que m'a offert l'équipe d'ici pour mon anniversaire. Bien douillet! Et bien chaud...
Par une porte...

Ah, la France!

Mon lointain pays ( La France, pas l’Australie..) fait la une des journaux locaux... Arrêtez! On en est encore à me demander quelle langue on parle en France et combien il y a de saisons (ici il n’y en a que deux: saison des pluies/ saison sèche)!

Sachant cela, je me dis que longtemps encore Paris restera dans les esprits de ceux qui lisent un tant soit peu la presse ici le pays de la violence...

Il fait bon être au calme, dans ces zones pauvres mais où aider est encore possible, bien plus que dans les zones de non-droit et même les banlieues. Mais, sans rechercher la gloire, ce n’est pas une période où il est très reluisant d’être Français...

mardi, novembre 08, 2005

Quarante centimètres...

Quarante centimètres, qu’est ce que quarante centimètres?
Empiriquement, c’est deux empalmée, deux fois la distance maximale que l’on puisse obtenir entre le pouce et le majeur. D’une point de vue gymnique, c’est trois fois et demi la largeur d’une poutre.
Ce serait aussi deux septièmes de la taille de Delphine, ou un neuvième de la taille de Florian...
Ou encore la largeur des plaques de four locales.
Mais hier, ce n’était rien de tout cela: c’était la largeur, la longueur et la profondeur des quelques 28 trous que nous avions à creuser en travail communautaire avec Laura. Très fière d’être pour la première fois comptée comme une indigène à part entière puisque je faisais le travail à la place du père de Laura qui n’étais pas disponible (généralement c’est plutôt les indigènes qui rêvent de compter comme un blanc à part entière....), je me suis appliquée á creuser de mon mieux. Cinq heures durant, alternant pioche, pelle et pics, nous bous sommes acharnées sur de la terre, de la caillasse, pour remplir notre mission d’utilité générale tout comme les 108 autres personnes (une par famille, obligation absolue..) qui étaient là.
Belle leçon de courage, d’humilité (j’étais littéralement épuisé... bien plus qu’eux!)... et de Quechua!

jeudi, novembre 03, 2005

Chiquicaz


Cours de gym, cours d’informatique, cours d’anglais... en attendant que la formation en boulangerie commence vraiment (14 de noviembre), lorsque je ne suis pas dans les boulangeries et les moulins pour connaître les prix et les qualités, je donne un coup de main comme je peux dans la communauté de San Fransisco.
Hier, cependant, je n’ai pas passé beaucoup de temps á la maison car c’était le deux novembre, belle fête à l’occasion de laquelle les gens viennent parler aux morts sur les tombes et se retrouvent autour du souvenir du défunt. Trois messes, trois célébration différentes dans les communautés qui ont leur cimetière, c’était vraiment un moment fort. Tant de foi et d’espoir dans la vie après la mort, dans la croyance d’une présence parmi les vivants des défunts. « Mamita, le petit dernier est malade, du ciel, veille sur elle. » « Tayta, la récolte à été mauvaise, aide nous par ta sagesse… »
La dernière messe avait lieu à Chiquicaz. C’est la communauté la plus isolée du diocèse, à 3 600 mètres d’altitude. Le cimetière est un incroyable belvédère. En dépis du dénuement, les gens sont vraiment adorables, souriants, même plus qu’ailleurs. Etonnés que des blancs s’intéressent à leur village alors que les métisses depuis longtemps ne s’y rendent plus, les habitants étaient fiers que Pierrick ne soit pas là seul : après tout, il est le Père, sa présence est « noramale »… La mienne l’était moins. Touchée par tant de gentillesse à mon égard, lorsque j’ai appris ce matin qu’ils avaient un four á pain, j’ai décidé de monter là haut pour en savoir un peu plus. Trois ruisseaux à traverser, un pont de vingt centimètres de large au-dessus de trois mètres de vide, des petits chemins de terre qui serpentent à travers les failles… après deux heures et demi de montée, je suis finalement arrivée en haut. Là, les gens étaient encore plus étonnés que la veille de me voir. Ils ont commencé à me raconter qu’il y a deux ans ils avaient du pain frais, mais l’acheminement de la matière première coutant trop cher, ce n’était pas rentable. Depuis, ils sont livrés deux fois par semaine par Riobamba : c’est le pire pain que j’ai mangé depuis que je suis ici : fade et dur à la fois. Même à la fin de ma ballade, alors qu’il était midi et que j’avais cinq heures de marche dans les pattes, je n’y ai pas touché. Je crois que j’aurais encore préféré croquer une des carottes tout juste sorties de terre que m’a donné un paysan au passage ! Une chose après l’autre, pour l’instant je concentre mes forces sur Chancahuan, car c’est loin d’être gagné. Mais je crois bien que je suis tombée amoureuse de ce petit coin de terre tout proche du ciel qu’est la communauté de Chiquicaz !