vendredi, janvier 27, 2006

L'indigène et le portable


Faute d’être inspirée par cette brave boulangerie qui me cause bien des traces ces jours-ci entre le départ de Marivelle, les invendus de lundi et les coups de couteau sur les galletières bretonnes de Pierrick, je me laisse aller sur un air de Beethoven au récit d’une petite anecdote avant de partir pour mon heure de marche.

Pierrick avait beaucoup de choses à faire aujourd’hui à Riobamba, il n’est pas rentré manger. Je me retrouve donc seule avec Laura, indigène de 23 ans aux attitude parfois enfantines. Elle s’occupe de l’accueil des éventuels touristes à la maison et prépare à manger. Depuis plusieurs années, elle a renoncé à porter le traditionnel chapeau blanc cerné de noir des Indiens du Chimborazo. Pas plus qu’elle de porte la bayeta, cette étoffe colorée jetée sur les épaules et retenue par un long pic décoré, servant aussi de moyen de défense…
D’indigène il ne lui reste donc en apparence que l’anaco, cette longue jupe noire retenue par une ceinture colorée. Et bien que la langue de sa maison soit encore le quechua, qu’elle participe souvent aux travaux communautaires et coupe l’herbe des hauteurs pour ses animaux chaque jour ou presque avant de venir, elle se délecte devant les feuilletons à l’eau de rose américains et prend plaisir à porter des jeans moulants.

Visage habituellement rieur, un peu fatiguée, elle s’assoit à côté de moi pour quelles galettes de pommes de terre et les beignets de quinoa de la veille. (quel repas équilibré !). Nous commençons à manger silencieusement, chacune à nos pensées. La sonnerie du portable, la même que celle que l’on connaît si bien chez nous, retentit. Laura décroche. Mais elle n’a plus de crédit. Il faut recourir au message, au texto comme on dit. Comme elle a quitté l’école à onze ans, son pouce hésite ; souvent, elle me demande. Carotte, un ou deux « t » ? Et je « vien », on met quoi à la fin ?
Je suis déconcertée par ce choc culturel, trace trop visible d’un rêve qui a si peu sa place ici, dans cette communauté oû 50 pourcents des gamins de moins de 5 ans sont dénutris, dont certains avec risque de mort subite. Puis je finis par me demander si le portable n’est pas, pour bon nombre d’indigène, un moyen d’alphabétisation. Usant des messages plus que de la voix, trop coûteuse, cela les incite à poursuivre la lecture, et surtout quelques mots d’écriture par semaine, écriture si malmenée dans cette culture de tradition orale et pourtant indispensable pour tous ceux qui sont amenés, ne serait-ce que les jours de marché, en ville…

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

encore ume lecture de ton blog et cette fois en famille pour nous c'est le pied Tu pourras pour ta part vivre cette richesse avec tes amis nombreux je le sais: bisous Marco

12:27 PM  
Anonymous Anonyme said...

malgré les difficultés je vois que tu tiens le coup et je suis très admirative...
c'est toujours aussi agréable de lire ton blog...
une pensée m'a frappée en te lisant: si Beethoven avait su qu'un jour, bien longtps après sa mort, sa musique résonnerait dans un petit village d'Equateur perdu dans les montagnes...(il ne savait pê mê pas où se trouve ce pays...)...je pense que ça lui aurait fait chaud au coeur...
bonne journée et bon courage!

Sophie

3:56 AM  

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