samedi, mars 25, 2006

"Mon" petit.

D'abord il y a eu une sorte de grossesse. Ou pas vraiment, plutôt, une adoption. Penser l'enfant que je ne voyais pas encore. L'imaginer, le rêver, préparer le lit et rideau de la chambre. Enfin, dans le cas présent, plutôt un peu d'argent pour acheter le four et le pétrin. Faire que les statistiques de la mortalité infantile ne lui soient pas trop défavorables.
Ensuite il a fallu l'aider à grandir, poser les briques, recruter ceux qui seraient sa famille plus tard. Je n'en serai qu'une mère passagère, de transition. Le temps qu'on lui trouve une vraie famille. Mère éphémère d'un petit issu d'une autre cuture, que j'aime sans toujours bien le comprendre. Je l'ai adopté alors qu'il avait déjà des antécédents, une petite enfance que je ne connaitrai jamais. Qui vraiment l'avait voulu, concu, pensé? Je ne le saurai pas. Quant à ses parents, je travaillerai avec eux, pendant six mois. Ils sont jeunes et manquent encore d'expérience, mais ils l'aiment. Tendrement. Ils le défendront aux yeux de la communauté tant qu'ils peuvent, je leur fait confiance. Parfois avec maladresse et emportement, mais avec toute leur âme.
Dans sept semaines je serai de retour au pays. Enfin, au Danemark, en france, en suisse. Bref, en Europe. Je commence peu à peu à être moins présente à la boulangerie, à laisser faire les parents de la même manière que je sois absente ou présente, conseillant le moins possible, ne répondant qu'aux questions. La parenthèse se referme, l'équipe se soude autour de Marco et Myrian, les deux "chefs d'équipe", je ne suis plus au centre de ce petit groupe qui sans cesse levait les yeux vers moi pour trouver réponse à ses interrogations. J'ai transmis tout ce que je pouvais. J'ai exigé sérieux et essayé d'instaurer la confiance. Critiqué l'amusement au moment de sortir les pains du four et chanté avec eux en quechua pendant qu'il fallait attendre que la pâte lève.
Me voilà volantairement en marge, depossédée de ce pour quoi j'ai vécu pendant plus de six mois, fière et triste de pouvoir peu à peu confier le petit à ceux qui l'adoptent définitivement. Il reste des faiblesses, les promesses de la communauté de finir quelque petits travaux qui n'ont jamais été faits, l'achat de pain de Riobamba qui se poursuit une fois pas semaine. Les rivalités internes qui ont failli ruiner le projet.

Certes, j'ai fait des erreurs, mal compris la culture parfois, voulant presser les choses dans un monde où l'on a le temps, voulu éduquer un peu trop "à la francaise", commencant par faire des baguette pour des gens qui n'avaient pas de dents. Mais quand je me retourne et me revois au "Resto U" il y a un an, n'étant même pas sûre de voir les pains sortir du four du temps où je serai là, je me dis que je m'ai sans doute pas perdu mon temps, ni ma fois je l'espère, été une si mauvaise mère.

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Ah ma Stéphanie, je reconnais bien là ta plume... Ce texte est très émouvant, merci de le partager avec tes lecteurs.

A ton retour, sache qu'on sera là, ta famille, tes amis, et on essayera de le rendre agréable, parce que quitter un tel endroit, une telle expérience n'est assurément pas facile. Pourtant, tu sauras nous raconter avec passion ces mois pas toujours roses mais qui font de toi celle que tu es devenue...

Je t'embrasse très fort,
et à la suite de Winnicott je peux t'assurer que tu as été une "mère suffisamment bonne" parce que finalement c'est tout ce qui compte, de l'être "suffisamment" et pas d'atteindre la "perfection"...

Charlotte

2:05 PM  
Anonymous Anonyme said...

tres beau, et vrai ce que tu dis, ce n'est pas facile d'être une bonne mére et c'est dur de voir grandir sans pouvoir trop agir...on se dit que l'on a seme on a fait le maximun et apres il faut s'éloigner pour que l'arbre grandit seul. profites de ces semaines a bientot Cécile et cie

12:35 AM  

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