mercredi, juin 14, 2006

Le pêcheur

"Kino s'était éveillé à la pointe de l'aube. Les étoiles scintillaient encore et le jour ne s'annonçait que par une faible lueur délavée à l'horizon, à l'est. Les coqs chantaient depuis quelques instants et les cochons matineux avaient déjà entrepris leurs incessants fossoyages dans les buissons et les taillis, à la recherche d'une nourriture oubliée la veille."

Je ne sais pas si tu t'appelles vraiment Kino, comme le personnage de La perle de Steinbeck. Je ne connais rien de toi: Je t'ai seulement aperçu un jour que je parcourais, d'un pas nonchalent, l'étroite bande de sable qui borde le port.
Je ne me souviens plus bien ou c'était, cela n'a pas d'importance. Tu es fils de l'océan.
Depuis l'enfance tu pars chaque jour loin des terres à bord de ta barque déjà âgée. Tu te demandes parfois si tu ne devrais pas tenter ta chance en ville, mais au fond de toi, tu sais que ta vie est ici et nulle part ailleurs. Tu es ce que l'on a fait de toi dès le plus jeune âge: un pêcheur de raies. Ta journée se passe en mer, les ailerons de requins paraissent parfois à quelques mètres seulement de l'embarcation.
A l'attente paisible succède parfois l'impatience, le poisson qui déserte le lieu, fuit le filet. Ton filet. Tu te prends alors à attendre ce moment du retour, cette lueur douce de fin du jour. L'heure où les ombres rallongent et où tu tiens enfin le fruit de ton travail. Tu jettes les quelques poissons sur le sable, les dépèces d'un ample coup de lame. La chair de décolle sans se déchirer. Tu laves enfin les filets dans l'eau, d'un geste vigoureux.
Ce soir, tu es presque le dernier. Autour de toi, les autres embarcations sont vides. Elles attendent déja, la proue vers le large, le prochain lever de soleil.