L’institut français
Aux nostalgiques de leur pays et amoureux de la lecture, à ceux qui s’intéressent à la culture française, il est un endroit précieux : l’Institut français. Il faut d’abord le chercher à travers Copenhague, lever les yeux dans la rue piétonne et le voir enfin, perché au-dessus du magasin Vuitton.
Il n’y a personne pour l’instant, sauf le bibliothécaire en train de ranger quelques ouvrages. Quelques mots, puis chacun retourne à son errance à travers les rayons. Succombant à la tentation de lire tout de suite, je m'asseois sur un des trois canapés en cuir noir. Feignant finalement la lecture, je ne peut m'empêcher finalement d'observer les visiteurs successifs.
Aux nostalgiques de leur pays et amoureux de la lecture, à ceux qui s’intéressent à la culture française, il est un endroit précieux : l’Institut français. Il faut d’abord le chercher à travers Copenhague, lever les yeux dans la rue piétonne et le voir enfin, perché au-dessus du magasin Vuitton.
Il n’y a personne pour l’instant, sauf le bibliothécaire en train de ranger quelques ouvrages. Quelques mots, puis chacun retourne à son errance à travers les rayons. Succombant à la tentation de lire tout de suite, je m'asseois sur un des trois canapés en cuir noir. Feignant finalement la lecture, je ne peut m'empêcher finalement d'observer les visiteurs successifs.
Ils sont peu nombreux, rarement pressés. Les uns apprennent le français à l’étage supérieur et, après avoir fait bonne usage des méthodes de langue disponibles, il osent l’incursion dans le vrai, le brut : les romans, les magasines, les films. Une grand-mère se présente, avec l’élégance du français appris et la distinction qui sied visiblement à sa personne, elle demande conseil. Elle ne tarde pas à poursuivre en danois, mettant du coup le bibliothécaire un peu à l’épreuve, celui-ci étant bien plus à l’aise en français... Arrivé ici il y a trois ans, il a certes pris des cours intensément pendant neuf moins, mais peine encore à prononcer ces sonorités étranges à nos oreilles. Je la voir disparaître derrière un rayonnage, suivant la direction qui lui avait finalement été indiquée. Elle revient quelques instants plus tard avec les seize CDS que composent la lecture du « Voyage au bout de la nuit ». Drôle d’approche de la langue française… bonne chance madame !
Lui succède une expatriée en provenance de la Réunion, tombée là au milieu de l’été et constatant avec désespoir qu’il ne fait déjà plus que seize degrés dans sa chambre semi enterrée, que le ciel est gris, bas et lourd un jour sur deux dès début septembre. Les enfants à peine arrivés sont déjà contaminés par le système danois : ils finissent l’école à quatorze heures trente et s’en réjouissent, n’ont presque jamais de devoirs, et imitent leurs camarades qui n’hésitent pas à se rouler dans les falques d’eau à la récré. Ici, les enfants grandissent libres, jouant et s’amusant bien plus que n’apprenant à travailler, on estime qu’ils auront bien le temps de d’apprendre plus tard...
Ayant déjà entendu la complainte du nouveau-venu plus d'une fois, le liothécaire enregistre les livres, les DVD, les magasines : « Comprendre les Danois » ; « Culture choc », écoutant vaguement ce qu'on lui dit. De Balzac à Perrec. En attendant la préparation des ouvrages qui ne sont pour l'instant pas tous informatisés, la jeune femme encore bronzée regarde les grandes affiches aux murs, retraçant les grands engagements de Sartre, dont on fête le centenaire de la naissance avec faste. Elle découvre le philosophe alors que "là-bas" elle n’y aurait pas même prêté attention. Elle croise son regard perçant derrière les énormes lunettes, les quelques phrases sur l’existence qui, contrairement aux inscriptions dans les rue paraissent finalement tellement faciles à comprendre. La liberté, la liberté ! A chaque instant, chaque seconde ! Ne serait-ce pas pourtant un mythe lorsque l’on vient d’arriver à Copenhague, que les enfants effectuent leurs premiers jours d’école, que Monsieur fait ses preuves à son nouveau poste. Combien de femmes d’expatriées se sont succédées ici en rêvant de fuir, les yeux rivés sur Sartre, sans y parvenir ? Combien d’étudiants sont passés, réalisant à la fin de l'année qu’ils avaient peut-être plus lu en Français qu’ils ne l’avaient jamais fait ? De jeunes couples franco-danois tâchant d’aller plus loin dans la connaissance de leur culture respective.
A dimension humaine, plus proche d’un salon que d’une bibliothèque municipale, la pièce prête à la flânerie, à la curiosité. Un coup d’œil du côté de Le Clézio, quelques pages de Koltès, un petit « Minuit » qu’on est sûr de finir : « Dans la solitude d’un champs de coton ». L’endroit est calme, paisible. Les Danois sont connus pour leur vie quasi silencieuse sauf lorsque l’alcool fait effet…les Français s’en inspirent. La sérénité est accrue par la nonchalance avec laquelle le bibliothécaire enregistre et informatise les ouvrages.
La nuit tombe, les uns passent à l'Institut Français à la sortie du travail, pour se réapprovisionner en bandes dessinées ou en films; les autres vont s’occuper des enfants sortis de l’école.
Lui succède une expatriée en provenance de la Réunion, tombée là au milieu de l’été et constatant avec désespoir qu’il ne fait déjà plus que seize degrés dans sa chambre semi enterrée, que le ciel est gris, bas et lourd un jour sur deux dès début septembre. Les enfants à peine arrivés sont déjà contaminés par le système danois : ils finissent l’école à quatorze heures trente et s’en réjouissent, n’ont presque jamais de devoirs, et imitent leurs camarades qui n’hésitent pas à se rouler dans les falques d’eau à la récré. Ici, les enfants grandissent libres, jouant et s’amusant bien plus que n’apprenant à travailler, on estime qu’ils auront bien le temps de d’apprendre plus tard...
Ayant déjà entendu la complainte du nouveau-venu plus d'une fois, le liothécaire enregistre les livres, les DVD, les magasines : « Comprendre les Danois » ; « Culture choc », écoutant vaguement ce qu'on lui dit. De Balzac à Perrec. En attendant la préparation des ouvrages qui ne sont pour l'instant pas tous informatisés, la jeune femme encore bronzée regarde les grandes affiches aux murs, retraçant les grands engagements de Sartre, dont on fête le centenaire de la naissance avec faste. Elle découvre le philosophe alors que "là-bas" elle n’y aurait pas même prêté attention. Elle croise son regard perçant derrière les énormes lunettes, les quelques phrases sur l’existence qui, contrairement aux inscriptions dans les rue paraissent finalement tellement faciles à comprendre. La liberté, la liberté ! A chaque instant, chaque seconde ! Ne serait-ce pas pourtant un mythe lorsque l’on vient d’arriver à Copenhague, que les enfants effectuent leurs premiers jours d’école, que Monsieur fait ses preuves à son nouveau poste. Combien de femmes d’expatriées se sont succédées ici en rêvant de fuir, les yeux rivés sur Sartre, sans y parvenir ? Combien d’étudiants sont passés, réalisant à la fin de l'année qu’ils avaient peut-être plus lu en Français qu’ils ne l’avaient jamais fait ? De jeunes couples franco-danois tâchant d’aller plus loin dans la connaissance de leur culture respective.
A dimension humaine, plus proche d’un salon que d’une bibliothèque municipale, la pièce prête à la flânerie, à la curiosité. Un coup d’œil du côté de Le Clézio, quelques pages de Koltès, un petit « Minuit » qu’on est sûr de finir : « Dans la solitude d’un champs de coton ». L’endroit est calme, paisible. Les Danois sont connus pour leur vie quasi silencieuse sauf lorsque l’alcool fait effet…les Français s’en inspirent. La sérénité est accrue par la nonchalance avec laquelle le bibliothécaire enregistre et informatise les ouvrages.
La nuit tombe, les uns passent à l'Institut Français à la sortie du travail, pour se réapprovisionner en bandes dessinées ou en films; les autres vont s’occuper des enfants sortis de l’école.
Il est tant de replonger au-dehors, dans l’univers danophone encore un peu étranger. Pourtant, ces descendants des Vikings savent être drôles, fêtards, sympathiques. Mais leur naturelle discrétion renforcée par la tendance au repli en cas de mauvais temps est souvent déconcertante à nos yeux. Il a fallu quelques mois ici et l’invitation à la fête du voisinage pour que nous les découvrions joyeux, ayant le sens de l’animation, de la musique et de la danse… C’est là que l’Institut français devient richesse de la double culture plutôt que lieu de repli et de nostalgie mélancolique.
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